Ce qui s’est passé ce jour-là – alors que James était âgé d’environ 4 mois, toujours sous oxygène, et que son état restait très variable – semble être un cas d’école en matière de fatigue liée aux alarmes, aggravé par plusieurs facteurs. C’était un week-end de jour férié, au moment du changement d’équipe – deux éléments critiques en termes de manque de personnel – et aucune des infirmières habituelles de James ne travaillait. Lorsque l’alarme s’est déclenchée pour indiquer la chute des paramètres, mon mari et moi avons regardé les chiffres diminuer – d’abord lentement, puis de plus en plus vite – tout en cherchant du regard une infirmière disponible.
Seulement, il n’y avait aucune infirmière (ou médecin) à proximité. La saturation en oxygène du sang de James continuait de chuter et son alarme rouge ne cessait de clignoter. Nous avons appuyé sur le bouton d’appel d’urgence mais personne n’est venu. Notre fils devenant bleu sous nos yeux, mon mari et moi avons déferlé à travers l’USIN pour alerter quelqu’un. Ne voyant personne, j’ai couru voir la réceptionniste pour qu’elle appelle du secours. Lorsque le chariot de réanimation a fini par arriver, avec une lenteur atroce, James était gris-bleu et ne bougeait plus. Plusieurs longues minutes ont ensuite été nécessaires pour le ranimer.
Fatalement, cet événement a changé la dynamique entre notre famille et l’équipe soignante de James. Nous avions largement perdu confiance en eux.
Même lorsque le patient ne frôle pas la mort, la fatigue liée aux alarmes peut affecter les rapports entre les proches et l’équipe soignante. Elle peut même créer une méfiance globale vis-à-vis de l’hôpital. Les infirmières savent mieux que quiconque que 99 % des alarmes ne requièrent pas forcément une attention immédiate. En revanche, elles ignorent peut-être que certains parents interprètent une réaction tardive comme étant un signe de relâchement, et les alarmes non fiables comme révélatrices d’un équipement de mauvaise qualité.
Par exemple, en tant que mère, je savais que le manque cumulé d’oxygène pouvait affecter le développement du cerveau naissant de mon bébé. Chaque désaturation provoquait donc en moi un profond sentiment d’impuissance et de peur.
Parfois, j’avais l’impression que les infirmières acquittaient les alarmes par simple réflexe. J’ai également remarqué que chacune d’entre elles avait un temps de réaction et un niveau de préoccupation bien différents vis-à-vis des alarmes. Certaines, plus à l’aise avec des marges plus larges, modifiaient ses paramètres. D’autres nous ont même donné l’autorisation d’appuyer sur le bouton d’acquittement si nous estimions qu’il s’agissait d’une erreur de mesure. Certes, il était appréciable de pouvoir couper soi-même les alarmes très bruyantes sans devoir attendre une infirmière. Mais cette responsabilité, très informelle, nous donnait le sentiment qu’aucune procédure cohérente n’était en place pour la sécurité de James.
Mais j’ai réprimé ma frustration. Comment pouvais-je m’imaginer que des infirmières occupées puissent s’interrompre constamment pour venir nous voir ? Je ne voulais pas être une maman qui dérange, qui décuple la gêne causée par l’alarme de son bébé, et risquer de faire fuir les personnes qui tenaient sa vie entre leurs mains.
une réaction physique pareille à celle que d’autres mères ont en entendant leur bébé pleurer... Mon. Bébé. A. Besoin. De. Moi.”