Clinical Services

Fatigue liée aux alarmes :

Unité de soins intensifs néonataux : le point de vue d’un parent

par Erin Graham

Les membres du personnel infirmier ne seront pas surpris de lire ici que la plupart des alarmes de monitorage patient sont déclenchées par un nombre réduit de patients, comme le montrent les résultats de recherches récentes.1 Né subitement à près de 24 semaines, et ne pesant que 540 grammes, mon fils James faisait partie des cas “alarmants”. Il a vécu six mois en USIN, respirant difficilement à cause de ses poumons insuffisamment développés qui avaient tendance à se remplir de liquide et à retenir le CO2.

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James était si fragile que le moindre mouvement, contact ou son provoquait chez lui des problèmes de respiration. Se déclenchait alors un concert de “bips”, “dings”, “pings” et autres sonneries provenant de quantité d’appareils : ventilateur, électrodes précordiales, oxymètre de pouls, brassard de pression ou encore pompe d’alimentation.
 

Au cours des premières semaines, très incertaines, mon mari et moi avions les yeux constamment rivés au moniteur, surveillant sa saturation en oxygène et ses fréquences cardiaque et respiratoire, qui ne se stabilisaient pas malgré l’oxygénothérapie à 85 %. Nous avons rapidement identifié les chiffres déclenchant tel ou tel témoin clignotant ou alarme, ou annonçant un autre moment décisif pour James.

Paramètres stricts, comportement imprévisible


La respiration irrégulière de James – et les alarmes qu’elle déclenchait quasiment constamment – ne s’est pas améliorée au cours des premières semaines, ou mois. Mais le personnel infirmier réagissait rapidement, et procédait à des aspirations, utilisait un ballon-masque ou alertait l’équipe de réanimation lorsque le fait de le repositionner et d’activer l’oxygène ne suffisait pas.
 

Parfois, alors que ses paramètres chutaient en dessous des limites fixées, ils se réajustaient d’eux-mêmes et la respiration normale reprenait, sans intervention, après une trentaine de secondes d’alarmes “jaune pâle” (témoin clignotant jaune clair et signal sonore plus faible). Cela arrivait si régulièrement que l’alarme était souvent acquittée immédiatement et n’attirait l’attention des équipes soignantes que si elle devenait rouge vif.
 

À la même période, James a commencé à déclencher de fausses alarmes. Sa peau de grand prématuré était si fine qu’elle devait être hydratée régulièrement sous peine de se déchirer. Mais les fils d’électrodes perdaient en adhérence à cause de la crème hydratante, ce qui faussait la mesure du signal et déclenchait une autre alarme. Pour couronner le tout, l’humidité de ses pieds compliquait le maintien de la sonde, qui devait être changée régulièrement pour maintenir la précision des mesures de l’oxymètre de pouls.

 

Nous avions l’impression que chaque fois que l’infirmière s’éloignait de l’incubateur pour s’occuper d’un autre bébé, elle ne pouvait pas faire plus de deux mètres avant qu’une des alarmes de James ne l’oblige à revenir. Mon mari et moi plaisantions sur le fait que James jouait à retenir sa respiration pour déclencher volontairement une alarme – c’était à coup sûr un futur petit farceur.
 

Si l’alarme de James retentissait trop longtemps et que son infirmière ne se trouvait pas à proximité, une autre infirmière venait vérifier. La plupart du temps, elle acquittait l’alarme et regardait si son état se stabilisait de lui-même. Même lorsque les alarmes “jaune pâle” se transformaient en signaux d’urgence stridents (ce qui arrivait toutes les quelques minutes), il s’agissait souvent d’une fausse alarme, ou bien sa respiration reprenait normalement. À l’exception d’une fois.

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La tempête


Ce qui s’est passé ce jour-là – alors que James était âgé d’environ 4 mois, toujours sous oxygène, et que son état restait très variable – semble être un cas d’école en matière de fatigue liée aux alarmes, aggravé par plusieurs facteurs. C’était un week-end de jour férié, au moment du changement d’équipe – deux éléments critiques en termes de manque de personnel – et aucune des infirmières habituelles de James ne travaillait. Lorsque l’alarme s’est déclenchée pour indiquer la chute des paramètres, mon mari et moi avons regardé les chiffres diminuer – d’abord lentement, puis de plus en plus vite – tout en cherchant du regard une infirmière disponible.
 

Seulement, il n’y avait aucune infirmière (ou médecin) à proximité. La saturation en oxygène du sang de James continuait de chuter et son alarme rouge ne cessait de clignoter. Nous avons appuyé sur le bouton d’appel d’urgence mais personne n’est venu. Notre fils devenant bleu sous nos yeux, mon mari et moi avons déferlé à travers l’USIN pour alerter quelqu’un. Ne voyant personne, j’ai couru voir la réceptionniste pour qu’elle appelle du secours. Lorsque le chariot de réanimation a fini par arriver, avec une lenteur atroce, James était gris-bleu et ne bougeait plus. Plusieurs longues minutes ont ensuite été nécessaires pour le ranimer.

Fatigue liée aux alarmes et relations parent-personnel infirmier


Fatalement, cet événement a changé la dynamique entre notre famille et l’équipe soignante de James. Nous avions largement perdu confiance en eux.
 

Même lorsque le patient ne frôle pas la mort, la fatigue liée aux alarmes peut affecter les rapports entre les proches et l’équipe soignante. Elle peut même créer une méfiance globale vis-à-vis de l’hôpital. Les infirmières savent mieux que quiconque que 99 % des alarmes ne requièrent pas forcément une attention immédiate. En revanche, elles ignorent peut-être que certains parents interprètent une réaction tardive comme étant un signe de relâchement, et les alarmes non fiables comme révélatrices d’un équipement de mauvaise qualité.
 

Par exemple, en tant que mère, je savais que le manque cumulé d’oxygène pouvait affecter le développement du cerveau naissant de mon bébé. Chaque désaturation provoquait donc en moi un profond sentiment d’impuissance et de peur.
 

Parfois, j’avais l’impression que les infirmières acquittaient les alarmes par simple réflexe. J’ai également remarqué que chacune d’entre elles avait un temps de réaction et un niveau de préoccupation bien différents vis-à-vis des alarmes. Certaines, plus à l’aise avec des marges plus larges, modifiaient ses paramètres. D’autres nous ont même donné l’autorisation d’appuyer sur le bouton d’acquittement si nous estimions qu’il s’agissait d’une erreur de mesure. Certes, il était appréciable de pouvoir couper soi-même les alarmes très bruyantes sans devoir attendre une infirmière. Mais cette responsabilité, très informelle, nous donnait le sentiment qu’aucune procédure cohérente n’était en place pour la sécurité de James.
 

Mais j’ai réprimé ma frustration. Comment pouvais-je m’imaginer que des infirmières occupées puissent s’interrompre constamment pour venir nous voir ? Je ne voulais pas être une maman qui dérange, qui décuple la gêne causée par l’alarme de son bébé, et risquer de faire fuir les personnes qui tenaient sa vie entre leurs mains.

une réaction physique pareille à celle que d’autres mères ont en entendant leur bébé pleurer... Mon. Bébé. A. Besoin. De. Moi.”

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Effet sur les proches = effet sur le patient


Les raisons pour lesquelles il est douloureux de se rendre tous les jours – pendant six mois dans le cas de cette famille – dans une unité de soins intensifs néonataux semblent assez évidentes. Mais les parents sont également soumis à des effets moins flagrants. J’ai ainsi fini par considérer les alarmes de James comme étant son seul et unique moyen de communication. Elles déclenchaient chez moi une réaction physique pareille à celle que d’autres mères ont en entendant leur bébé pleurer... Mon. Bébé. A. Besoin. De. Moi. Chaque seconde passée à attendre que quelqu’un lui vienne en aide était pour moi un appel au secours. Et chaque fois qu’une infirmière ignorait les alarmes parce que James nous “jouait simplement un mauvais tour”, une certaine distance s’installait entre nous.

En pratique, cependant, pourquoi est-ce important de prendre en compte les sentiments des parents ? Pour ma part, mon état de stress constant a clairement limité ma capacité à produire et à tirer du lait – alors qu’il procure, évidemment, d’immenses bienfaits aux prématurés comme James. En outre, d’un point de vue moins personnel, des études montrent que le stress des parents durant un séjour en USIN a une influence sur le développement psychologique et comportemental de leur bébé. Or l’établissement d’une relation de confiance, positive, avec l’équipe médicale réduit cette anxiété.

Impact sur le développement


Les parents ne peuvent pas faire grand-chose contre le vacarme constant causé par les conversations du personnel, les cris des autres bébés, ou encore les alarmes et les voyants colorés clignotants qui empêchent leur enfant de se reposer correctement et de guérir vite.

James était si fragile que la méthode kangourou était inenvisageable pendant plusieurs mois, en partie parce que le bruit des alarmes l’empêchait de guérir efficacement. C’était aussi frustrant que déchirant, car je savais que le contact peau à peau participait à la stabilisation de la fréquence cardiaque des bébés et à l’amélioration de leur respiration. Sans parler du lien mère-enfant.
 

Même après le transfert de James de l’incubateur vers le berceau, et le retrait du protège-oreilles et du masque pour les yeux, le bruit continuait clairement de l’affecter. Cela avait un effet direct sur le nombre d’alarmes et l’urgence des soins requis. Cette stimulation excessive a également eu des effets durables : il lui a ainsi fallu plus d’un an avant de pouvoir établir un contact visuel – cela s’avérait trop intense pour lui – et il cherchait à éviter les contacts.
 

Après sa sortie de l’USIN (et de l’autre service où il est resté huit mois de plus), son état s’est incroyablement amélioré. Pourtant, même aujourd’hui à 4 ans et demi, il continue de réagir fortement aux bruits inattendus. Y a-t-il un rapport entre son hospitalisation hyperstimulante et les crises que les aspirateurs et les mixeurs déclenchent chez lui ? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, cependant, c’est qu’il a très peur des enfants bruyants (existe-t-il vraiment des enfants silencieux ?) et que je suis inquiète de l’impact que cela pourra avoir sur sa capacité à se faire des amis.

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La fatigue liée aux alarmes : retour au domicile


Maintenant que nous sommes rentrés à la maison avec James, la fatigue liée aux alarmes est plus présente que jamais dans mon esprit. Pour moi, les soins à domicile constituent la dernière frontière de la gestion des alarmes, même si l’urgence est désormais moindre. Pendant les quelques années qui ont suivi son retour à la maison, James était encore sous assistance respiratoire et son oxymètre sonnait une dizaine de fois par nuit, dès qu’il passait sous la barre des 92 %. Lorsqu’il a commencé à ramper partout dans la maison, cela déclenchait constamment de fausses alarmes à cause d’erreurs de mesure. Et la fixation des sondes sur ses pieds restait difficile à cause de l’humidité de sa peau.

Je l’avoue, mon mari et moi ignorons tous deux son alarme par inadvertance. Au fil des années, nous avons également appris à ne plus nous précipiter à son chevet aussitôt qu’elle se déclenche. Je sais que la plupart de ses alarmes ne sont pas pertinentes, et je pense être en mesure d’évaluer avec fiabilité son état de santé général et de réagir en conséquence. Actuellement, notre “gestion des alarmes” consiste en partie à empêcher James d’appuyer lui-même sur le bouton d’acquittement pour arrêter la sonnerie – voire d’éteindre complètement l’appareil. “Des mauvais tours”, effectivement.

 

Voilà toute l’histoire. Je comprends vraiment ce qui entraîne la fatigue liée aux alarmes. Et malgré nos diverses frustrations et les possibles effets à long terme sur le développement de mon fils, je suis extrêmement reconnaissante pour les soins qu’il a reçus. Je sais que les infirmières sont soumises à une pression quotidienne dans leur environnement de travail. Et je pense vraiment que, si elles le pouvaient, elles interviendraient sur chaque alarme – pour être sûres d’être présentes dans le seul cas sur 100 où le bébé a vraiment besoin d’elles.

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